Stanley Kubrick : "Nouveaux horizons"

18 ans après sa mort, la postérité des films de Stanley Kubrick ne fait plus aucun doute.

De Fear and Desire en 1953 à Eyes Wide Shut en 1999, l'œuvre du réalisateur couvre un demi-siècle d'histoire du cinéma. Stanley Kubrick a traversé la chute des studios et la fin de l'âge d'or Hollywoodien, l'avènement du culte de l'auteur dont il a été l'un des emblèmes, l'ère « post-moderne » et même l'avènement des effets spéciaux numériques, son dernier film ayant été censuré lors de sa sortie américaine par le truchement de rajouts informatiques. Pourtant, Kubrick semble être resté constamment à l'écart de toutes les évolutions de l'industrie cinématographique, précurseur autant que marginal, adulé autant que détesté.

Pour beaucoup, la persona de Kubrick, artiste démiurge d'un perfectionnisme presque maladif, influe sur la réception de son œuvre. De sa direction d'acteur vue comme tyrannique à l'attention excessive donnée au moindre détail de ses films, le réalisateur est devenu un mythe, partiellement inventé par les médias auxquels il parlait si peu, et symbolise le dévouement artistique sans limite d'un artiste à la vision profondément personnelle évoluant dans un art éminemment collectif. Cette aura mythique tend parfois à camoufler la filmographie de l'artiste, au profit d'anecdotes de tournages plus ou moins fondées et des sempiternels débats quant aux éventuels ‘messages secrets' transmis par ce génie énigmatique et marginal qui ne s'exprimait que par son œuvre et vivait reclus dans la campagne anglaise. La puissance de ce mythe semble encore plus grande aujourd'hui que de son vivant, comme le prouvent le récent documentaire Room 237 (R. Ascher, 2012), consacré à la myriade d'interprétations autour de The Shining (1980), les publications de livres perpétuant les théories du complot selon lesquelles Stanley Kubrick ferait partie de la secte des illuminati ou aurait travaillé pour le gouvernement américain afin de tourner un faux atterrissage sur la Lune en 1969, ou encore les innombrables discussions sur des forums internet, dans lesquelles certaines théories pourraient faire pâlir celles évoquées ci-dessus.

Néanmoins, l'apparente marginalité de Kubrick et la folie interprétative qu'il suscite n'ont pas réussi à éclipser son œuvre elle-même. D'un astronaute évoluant dans une chambre de style 18ème siècle à un sergent instructeur tyrannisant de jeunes apprentis GIs jusqu'à la folie, d'un jeune parvenu irlandais évoluant dans une société aristocratique moribonde à un père de famille voulant tuer sa femme à coup de hache, chaque film du réalisateur a engendré des images parmi les plus iconiques du 20e siècle. Stanley Kubrick est aujourd'hui considéré comme l'un des réalisateurs ayant poussé les possibilités d'expressions audio-visuelles du cinéma à son paroxysme, et certains de ses films, comme 2001 : L'odyssée de l'espace, sont couramment cités par divers classements (publics autant que critiques) comme faisant partis des meilleurs films de l'histoire. La littérature universitaire et journalistique sur Stanley Kubrick est d'une richesse telle que l'on peut sans risque la classer comme l'une des littératures les plus abondantes autour d'un réalisateur. Quant au public, les récents succès de l'exposition Kubrick : the exhibition, qui depuis 12 ans a connu un immense succès dans divers pays, ou encore de l'exposition londonienne Daydreaming with Stanley Kubrick exhibant le travail de divers artistes inspirés du réalisateur, démontrent si besoin est l'engouement suscité par l'artiste.

Stanley Kubrick : nouveaux horizons vise à démontrer la richesse et la diversité des approches de la recherche actuelle. Seront ainsi privilégiées, outre les approches esthétiques traditionnelles prenant en compte les dernières publications, les communications mettant en avant la vitalité de l'actualité kubrickienne sous toutes ses formes : travail autour des archives, ouvertes au public depuis 2007, et des publications qui en découlent ; études sur l'héritage de l'artiste, tant filmique que dans une sphère culturelle plus large; réflexions sur la réception de l'œuvre et sur l'image du réalisateur, etc. Ces journées d'études favoriseront également une approche transdisciplinaire, approche au cœur de la philosophie de l'université Bordeaux-Montaigne mais également essentielle pour aborder l'œuvre de Kubrick dans sa multiplicité. Les apports spécifiques des philosophes, historiens, musicologues, historiens de l'art ou encore des historiens des sciences ou des spécialistes de l'adaptation permettent en effet de souligner l'extrême richesse de ce champ d'étude et d'en renouveler sans cesse les thématiques.

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